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1. |
Ça parle
02:26
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Ça parle.
Ça parle à demi-mots, à demi-nus, et ça commence à cappella
Ça parle de démunis, de demi-lune, d’une voix qui crie « attrapez-la ! »
Ça parle beaucoup de vous. Beaucoup de nous. Ça parle aussi un peu de moi.
Ça parle assis-debout. De rien de tout. De bout à bout. De bouts de soi.
Avant toute chose. Avant maintenant. Ça parle d’avant et d’après.
Après tout de suite. Avant le temps. C’est la même chose à peu près.
Ça parle d’apprendre, d’aller de l’avant, d’être en accord
Ça parle d’un instrument à vent. Attends, avant je m’accorde.
Ça parle de bar. De bière de verres de vin. De café noir.
Ça parle autour du zinc. Ça parle accroché au comptoir.
Ça parle d’exutoire. De feuilles de papier d’espoir.
Ça parle jusqu’à très tard. Ça parle de boire. Ça parle, ça parle, ça parle.
Ça parle d’alcool. Et l’alcool, ça fait parler. Ça fait parler tout seul. Ça fait parler dans le vide. Ça fait parler des autres, et puis des fois l’autre, bah c’est toi. Ça fait parler des heures. Ça fait parler la nuit. Ça fait parler du mec d’hier à la télé, de son costard, de ses discours qu’on n’écoute pas, de ces promesses qu'on ne croit plus. Ça fait parler de cet avion qu'on ne prendra jamais, de ces lointains qu'on ne verra pas, parce qu’en restant ici on est déjà trop loin. Ça fait parler de sa journée, histoire de croire que c’était pas la même qu’hier, histoire d’attendre qu’on soit demain. Ça fait parler avec tout le monde. Ça fait parler des secrets qui n’en sont plus. Ça fait parler les silences. Ça fait parler avec les mains. Ça fait parler dans toutes les langues. Et puis ça fait parler d’amour. Toujours.
Alors ça parle.
Ça parle des gens que j’aime. De ceux qui m’ont aimé. De ceux qui ne s’aiment pas.
Ça parle d’indépendance. Ce genre de luxe qui ne s’achète pas
Ça parle de dépendances. Et pendant que j’y pense ça parle de rêveurs révoltés
Ça parle d’enfance qui ne voulait pas grandir. Ça parle de nos peurs indomptées.
Ça parle de langue française. Ça parle d’encre et de houblon. J’bouge.
Ça parle de filer à l’anglaise. Ça parle d’anges et de ballons. D’rouge.
Ça parle de gens seuls, de jolies ingénues, de victoires jalousées, de jeunes douleurs
Ça parle de toiles mortes, de génies inconnus, de gloires jaunies et de futurs chômeurs.
Une derrière chose. C’est au sujet d’avant.
Soyons précis ici c’est entre l’avant, l’après
Entre hier et maintenant. Entre deux souffles. Entre deux notes. Entre deux gouttes.
Entre nous.
Et je sais de quoi je parle.
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2. |
Zanzibar
03:12
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Zanzibar
Je commence direct le temps de le dire j’ai déjà perdu trop de temps
De l’encre a coulé sous les ponts j’ai déjà bu ma vie d’avant
Il fut un temps aux soirées slam Ménilmontant
Et si t’écoutes un peu ce que je dis je te remercie infiniment
L’homme apprend de ses erreurs depuis la nuit des temps
J’ai grillé mes désirs dans un désert les regrettant
J’ai construit mon histoire autour de quelques filaments
Plus tu tombes et plus t’apprend mais plus tu comptes et plus t’attends
Du coup je n’écoute plus les rappeurs ils me saoulent éminemment
Mes ventes de disques me servent à rien donc télécharge illégalement
Je ne réponds plus aux gens qui signent leurs mails « musicalement »
J’suis littéraire et poétique niquez vos mères cordialement
Je ne suis pas de la partie et j’enchaîne les faux départs
Je suis déjà parti je m’échappe à Zanzibar
Partir pour repartir j’ai la rêverie transitoire
Quand tout nous sépare trouvez-moi à Zanzibar
Deuxième couplet le temps de l’écrire je suis toujours dans les temps
J’pensais pas qu’un jour ça me ferait chier d’être un chanteur blanc
Les blondinets du reggae leurs sourires ont trop de dents
Tube de l’été déprimé du dernier rappeur consentant
Je serai jamais dans les standards je préfère l’art de l’instant
Leur musique tourne en boucle et se répète machinalement
J’ai trop de mots dans les dents trop de respect pour les gens
Donc j’écris ma légende et je m’échappe élégamment
De la distance de la hauteur sur mon tapis volant
Qui du marchand qui du client se vend au plus offrant
Tire au flanc damned je vole au vent le game
Pas de plan j’aime rester sur le banc et je m’évade en rêvassant
Je ne suis pas de la partie et j’enchaîne les faux départs
Je suis déjà parti je m’échappe à Zanzibar
Partir pour repartir j’ai la rêverie transitoire
Quand tout nous sépare trouvez-moi à Zanzibar
Troisième couplet rien à dire le leitmotiv est entêtant
A peine parti déjà j’arrive charivari qui rime à rien
Je tiens aux causes aux conséquences bien ou mal on s’entend
De moins en moins on ne s’écoute plus qu’en sous-traitant
J’ai pris la vie d’artiste pour la vie pas pour les villas
Mon Codevi est déjà vide mon coût de vie de l’endettement
Souvent l’argent rend triste mon pauvre ami et sous les vivas
Les étoiles crèvent seules dans la nuit tout bêtement
J’ai pris le parti de partir de Paris sans partir de quitter ma patrie
Mais le pari n’était pas de sortir du pays
Je pris le temps les avis des gens mon ami le vent m’a dit
Qu’il était temps j’suis parti
Je ne suis pas de la partie et j’enchaîne les faux départs
Je suis déjà parti je m’échappe à Zanzibar
Partir pour repartir j’ai la rêverie transitoire
Quand tout nous sépare trouvez-moi à Zanzibar
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3. |
Fatras
03:21
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FATRAS
Y'a dans nos âmes des trous béants / Y'a des abîmes des puits sans fond
Et des silences trop profonds / Pour les remplir en oubliant
Y'a des tempêtes des tourbillons / Des crépuscules qu'on veut brillants
Réveils en sursaut en brisant / Les mines rouillées de mes crayons
Ma gueule cassée mon cœur vaillant / Voit des soleils mais sans rayons
Et ma salive n'a pas d'raison / À l'horizon les bras ballants
Quant aux salaires des vieux croulants / Et leurs épouses dans leurs visons
Je prononcerai des oraisons / Dans des poèmes irradiants
Nous sommes l'avenir désespéré le présent sans être là
Nous sommes les hommes pestiférés des matins sans éclats
Nous sommes des armées désarmées des années désarticulées
Des rêves décalés qui ressassèrent leurs vendettas
Nous sommes les ouvriers les oubliés
L'arrière-cuisine les tabliers l'identité en pointillé
Nous sommes peuples colonisés l'enfant qu'on ne voulait pas
Les héritiers déshérités de vos frontières à angle droit
Nous sommes la somme de vos erreurs de vos lâchetés
De nos douleurs que vous achetez du haut de votre confort bourgeois
Nous sommes des usines désertées des saisons sans été
Nous sommes le bruit et le fatras
Nous sommes des terrains vagues des océans aux vagues déchaînées
Brigades de brigands renégats
Nous sommes la somme de vos angoisses de votre peur de liberté
Nous nous couchons au cœur des ruines et les étoiles sont notre toit.
Nous sommes l'avenir désabusé le présent mort de froid
Nous sommes trottoirs délabrés où la misère fait les cent pas
Nous sommes les nomades réfugiés les cartes de séjour déchirés
Les diplômés désagrégés les sales gueules de l'emploi
Désintégrés en mille éclats mal intégrés et maladroits
Dévisagés de haut en bas
Sujets tabous dans les débats télévisés
Descendants des sans-dents des sans-papiers et des sans voix
Nous sommes le rire désenchanté l'espérance en chantier
La confusion qui monte l'incendie qui flamboie
Nous sommes une partie du problème avec une partie de solution
Le vent sur la plaine le battement d'aile du papillon
Nous sommes l'avenir réinventé le présent qui foudroie
Nous sommes, nous sommes, le bruit et le fatras
Nous sommes à l'ombre de vos craintes de votre peur de liberté
Nous nous couchons sans une plainte et les étoiles sont notre toit.
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4. |
L'un de nous deux
03:34
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L'un de nous deux
Je suis dans mon petit bureau mon stylo plume mon bloc de papier blanc
Inspiration féconde je ponds des bombes de textes je rends
Mes poèmes délirants détonnants lyricalement
J'invente des refrains entêtants et des chansons dans le vent
Depuis les bancs de la cour d'école jusqu'aux grandes années folles
J'ai rendu deux albums inefficaces commercialement
Plus j'écris plus j'avance plus je m'envole plus j'apprends plus je rigole
Et plus j’engrange plus je rêve en grand
Je suis légèrement fainéant et du genre à prendre mon temps
Personne ne sait que je suis le meilleur auteur à part ma maman
Non mais attend ça veut dire quoi il faut que je gueule c'est où qu'on se bat
Quand je t'entends ça me fout la gerbe c'est trop léger ou bien trop gras
Ça tourne en rond c'est pas carré et ben bravo je t'applaudis pas
Et rappelle-toi que l'un de nous deux écris mieux que toi
Je me prends même pas la tête à faire le refrain
L’un de nous deux écrit mieux que toi
Je suis dans ma petite cuisine un verre de vin je trinque avec un pote
Je fais la popote je manie les poêles et les cocotes
Je fais des petits plats c'est du grand art et je concocte
De l'euphorie dans les assiettes de la féérie pour cette époque
C'est pas top chef c'est bon j'ai la cuisine abstraite
C'est moi l'expert de tes papilles derrière les fourneaux je suis poète
Je fais ma tambouille mes ratatouilles c'est moi l'esthète
Tous mes convives sont en accord des symphonies que j'interprète
Je fais mitonner des bouts de poulets oublie ton régime et ta diète
Je mets à l'amende toutes tes recettes et les disciples d'Etchebest
Non mais attend ça veut dire quoi il faut que je gueule c'est où qu'on se bat
T'es pas cuistot c'est trop léger ou bien trop gras
Ça tourne en rond c'est pas carré et ben bravo je t'applaudis pas
Mais rappelle-toi que l'un de nous deux cuisine mieux que toi
Je me prends même pas la tête à faire le dessert
L’un de nous deux cuisine mieux que toi
Je suis dans mon salon avec ma dulcinée et c'est une meuf de ouf
C'est ma star de ciné donc rien à voir avec tes poufs
C'est un mélange de grâce et de beauté à couper le souffle
Le genre de femmes qui te libère et jamais ne t'étouffe
Nous on s'embrasse et on s'enlace on se roule des pelles on se galoche
On se regarde yeux dans les yeux quand on se parle bouche à bouche
On se prélasse et on s'emballe on se sent mieux on se sent proche
On se connaît sur le bout de la langue je l'aime autant qu'elle me touche
Et voilà qu'elle me dit que je l'embrasse plus que je ne l'embrasse pas assez
Imaginez la déconvenue je me sentais fort embarrassé
Non mais attend ça veut dire quoi je veux pas gueuler je veux pas qu'on se batte
Quand tu m'embrasses c'est trop sucré ou bien trop plat
Ça tourne en rond c'est très carré mais quand même je t'applaudis pas
Et rappelle-toi que l'un de nous deux embrasse mieux que toi
Je me prends même pas la tête à finir le texte
L’un de nous deux embrasse mieux que toi
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5. |
Que poème me suive
03:38
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Que poème me suive
Puisque les ponts d’effondrent avant d’atteindre l’autre rive
Puisque ma voix s’étrangle je réclame ma ventoline
Puisqu’on écrit aux ombres pensant remplir nos propres vides
Faîtes que ma plume gronde et qu’elle me serve enfin de guide
Puisque les fausses pistes sont construites pour nous perdre
Puisque les chansons tristes ne sont pas faîtes pour nous plaire
Puisque j’écris des textes pour en faire un inventaire
Faîtes que cette plume ne souffre plus ou faîtes un geste pour qu’on l’enterre
Et puisque rien ne dure que tous les bons chanteurs sont morts
Si la passion ne suffit plus je réfute le testament sonore
J’affute un bout de couplet pour qu’il fasse un bout de route
De Brazaville à Caracas à Paris Nord
J’envoie ce morceau passeport j’annonce qu’il ne pourra se taire
Si le silence est d’or mon hurlement sera misère
Je laisse le diamant brut caché parmi le tas de pierre
J’attends la chute je vire de bord et que poème se perde
Pour que poème me suive
Et que poème me suive
Puisque mes châteaux de sable ne feront jamais des châteaux forts
Que notre part d’enfance se cache autant qu’elle s’endort
Puisqu’on développe des carapaces à partir de nos propres corps
Faites que la mienne soit tenace et qu’elle devienne sémaphore
Puisque les plus belles fresques sont toutes nées d’une esquisse
Et puisqu’on y est presque aux commandes de nos frêles esquifs
Puisque l’écart est mince entre l’approche et l’esquive
Faites que douce soit l’étreinte et que poème me suive
Puisque l’on voit passer nos vies dans le reflet de nos écrans
Que nos révoltes s’anesthésient autant qu’on gaspille notre temps
Que l’on fabrique des abrutis dans l’usine de nos consentements
Je veux inventer d’autres espaces où je pourrai flotter lentement
Puisqu’on enferme ceux qui luttent qu’on applaudit ceux qui trichent
Puisque nous sommes pauvres soumis aux conditions des riches
Qui nous donnent l’espoir d’être riche pour vivre notre condition de pauvre
Je pourrai prendre la peau d’un riche mais pour cela je serai fauve
Puisque tout se tait puisque tout s’enfuit
Puisque l’on s’épuise plus qu’on ne s’ennuie
Je laisse le diamant brut caché parmi le tas de suie
J’attends la chute je vire de bord et que poème me suive
Pour que poème me suive
Et que poème me suive
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ROUDA Paris, France
Rouda est un rappeur et slameur parisien qui multiplie les activités : albums, featurings, spectacles, chroniques radio, voix off, écriture de séries TV. Son parcours de globe-trotter l’emmène de Bujumbura à Caracas, tandis qu’en France il anime régulièrement des ateliers d’écriture avec le Collectif 129H. Le 05 janvier 2023, il sort Les Mots nus, son premier roman aux Éditions Liana Levi. ... more
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